Traitement par rivaroxaban en association avec l’acide acétylsalicylique en cas d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) symptomatique revascularisée par voie endovasculaire

« Rivaroxaban Plus Aspirin Versus Aspirin Alone After Endovascular Revascularization for Symptomatic PAD : Insights From VOYAGER PAD »

Rymer J, Anand SS, Sebastian Debus E, Haskell LP, Hess CN, Jones WS, Muehlhofer E, Berkowitz SD, Bauersachs RM, Bonaca MP, Patel MR. 

Circulation 2023 Oct 18. 

doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.122.063806.

Il s’agit d’une analyse de sous-groupes de l’étude « VOYAGER-PAD » publiée en 2020 dans le New England of Medicine, qui s’intéressait aux patients ayant subis une revascularisation endovasculaire. 

« VOYAGER PAD » est une étude randomisée, menée en double aveugle, contrôlée contre placebo et multicentrique. Elle a inclus 6564 patients entre aout 2015 et décembre 2017. 

Les patients inclus avaient une AOMI symptomatique traitée par revascularisation dans les 10 jours avant l’inclusion, que ce soit par voie endovasculaire, chirurgicale ou mixte. Les patients devant recevoir une bi-antiagrégation plaquettaire au long cours (> 6 mois) ont été exclus, ainsi que ceux ayant un antécédent récent d’ischémie aiguë des membres inférieurs ou de syndrome coronarien aigu. 

Les patients inclus étaient randomisés en 2 groupes : le premier recevant un traitement par rivaroxaban à la dose de 2.5 mg 2 fois par jour associé à l’acide acétylsalicylique à la dose de 100 mg par jour ; le second recevant un placebo associé à l’acide acétylsalicylique à la dose de 100 mg par jour. Une bi-antiagrégation plaquettaire (clopidogrel + acide acétylsalicylique) pouvait être prescrite au maximum pour 6 mois après l’inclusion, à la discrétion des investigateurs. 

Le critère de jugement principal de l’efficacité était un critère composite comprenant l’incidence cumulée à 3 ans des évènements suivants : ischémie aiguë d’un membre inférieur, amputation majeure, infarctus du myocarde (IDM), accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique, décès cardio-vasculaire. 

Les critères de jugement secondaire incluaient tous les critères de jugement principal pris indépendamment, mais aussi la nécessité d’une revascularisation de membre inférieur non prévue et une hospitalisation pour évènement thrombotique (périphérique ou coronaire). 

Le critère principal concernant la sécurité était les évènements hémorragiques majeurs selon la classification TIMI (« Thrombolysis in Myocardial Infarction » : hémorragie fatale, hémorragie intracrânienne, baisse du taux d’hémoglobine > 5 g/dL ou de l’hématocrite > 15%). 

Le critère secondaire de sécurité était les hémorragies majeures selon la classification ISTH (International Society of Thrombosis and Haemostasis : hémorragie fatale, hémorragie de localisation critique, baisse du taux d’hémoglobine > 2 g/dL, transfusion de > 2 unités de sang total ou de culots globulaires). 

Au total, 6 564 patients ont été inclus. Parmi eux, 4 379 (66.7%) patients ont subi une intervention endovasculaire et 2 185 (33.3%) patients ont été revascularisés par voie chirurgicale. Après un suivi médian de 3 ans, le groupe rivaroxaban était associé à une réduction du risque du critère de jugement principal d’efficacité de 15% (hazard ratio [HR], 0.85 [95% CI, 0.76–0.96]). 

Les patients ayant reçus un traitement endovasculaire ne présentaient pas de réduction statistiquement significative du critère de jugement principal d’efficacité (HR, 0.89 [95% CI, 0.76–1.03]) contrairement à ceux traité par un geste chirurgical (HR, 0.81 [95% CI, 0.67–0.98]. 

Chez les patients ayant eu un traitement par voie endovasculaire, le groupe recevant le rivaroxaban était associé à une baisse du risque d’ischémie aiguë ou d’amputation (HR à 0.70 HR, 0,70 [95% CI, 0.54–0.90], P=0.005).

Concernant la sécurité, le risqué hémorragique TIMI était significativement plus élevé dans le groupe  rivaroxaban chez les patients ayant eu une revascularisation endovasculaire (HR, 1.66 [95% CI, 1.06–2.59]) mais sans augmentation du risque d’hémorragies intracérébrale ni d’hémorragie fatale (HR, 0.86 [95% CI, 0.40–1.87]; P=0.71). Concernant la mortalité, le taux de décès cardio vasculaire était plus élevé dans le groupe rivaroxban chez les patients ayant eu une revascularisation endovasculaire (HR, 1.24 [95% CI, 1.02–1.52]). 

Les résultats de l’étude « VOYAGER PAD» publiée en 2020 avaient suggéré l’efficacité et la sécurité du rivaroxaban à la dose de 2,5 mg 2 fois par jour en plus de l’acide acétylsalicylique chez les patients ayant une AOMI symptomatique et revascularisée. 

Ces nouvelles données concernant les patients ayant bénéficié d’une revascularisation endovasculaire suggère une balance bénéfice-risque mitigée avec une réduction du risque non significative sur le critère de jugement principal mais avec tout de même un bénéfice en termes d’amputation et l’ischémie aiguë.

La tolérance est aussi discutable avec une augmentation du risque d’hémorragie dans le groupe rivaroxaban et une mortalité plus élevée également. 

Le rivaroxban 2,5 mg est actuellement remboursée en France dans une seule situation :

« Dans la prévention des événements athérothrombotiques, en association avec l’acide acétylsalicylique, uniquement chez les patients adultes présentant AOMI sévère ayant récemment justifié d’une procédure réussie de revascularisation d’un membre inférieur, chirurgicale ou endovasculaire, instauré dans les 10 jours suivant la revascularisation ». 

Avant toute prescription de ce traitement, une évaluation rigoureuse au cas par cas des patients devra être réalisée notamment en tenant compte du risque hémorragique. 

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